A Propos :

La photographie est pour moi un art paradoxal. Elle permet en effet de capturer un instant, de le figer et cet acte même sans temporalité propre devient éternel.
Un morceau d'espace-temps est retiré de son continuum et suit une destinée qui se trouve indépendante de la réalité photographiée. Cette sorte de rituel magique fait de plus en plus appel à l'imagination.
Une photographie est toujours limitée par son cadrage.
Qu'y a t-il en dehors du cadre ?
Qu'y avait-il avant que la photo soit prise ?
Qu'y a t-il après?
Ce domaine n'appartient pas à la photo. Ou plutôt c'est cette clôture spatio-temporelle qui force l'imagination à travailler et l'esprit à recréer les conditions de la prise.

Mon attitude face à la photographie est alors double :
Puisque quand on regarde une photo, les yeux prennent automatiquement le point de vue de l'objectif, le rôle du titre est d'orienter la subjectivité. Le titre permet de donner un axe de lecture de la photo. Il donne une grille d'interpretation, il ajoute à l'image tout un arrière-plan dans lequel elle peut s'inscrire, il oriente le regard subjectif.
Je cherche ainsi dans mes photographies à estomper la distinction entre la subjectivité de celui qui regarde et l'objectivité due à l'appareil.

Ce mouvement s'accompagne alors d'une recherche thématique :
si le titre oriente la subjectivité, il faut montrer l'invisible afin que le mot posé fasse sens.
Le travail sur le titre s'accompagne d'un travail sur le cadrage :
je me force à chercher l'insolite dans le banal.
L'ordinaire ne désigne pas ainsi ce qui est manifeste et commun dans la réalité mais plutôt ce qui cache l'extraordinaire. Cet extraordinaire n'est pas ce qui dépasse l'ordinaire mais en fait ce qui en constitue la profondeur. Je cherche par la photographie à révéler cet extraordinaire des lieux du quotidien.

Ravi Horner